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Danaé Piazza

La quête d'indépendance énergétique de la Géorgie

Alors qu’il se déclare pro-européen, le gouvernement géorgien est toujours très lié à la Russie, un de ses premiers partenaires énergétiques. Difficile alors de concevoir une transition qui permette l’indépendance énergétique du pays.



En mai 2021, plusieurs milliers de personnes s’étaient rassemblées à Tbilissi, la capitale de la Géorgie, contre le projet de barrage hydroélectrique de Namakhvani. Ce projet situé dans la région d’Imereti, au nord du pays, a suscité un fort rejet de la population locale et nationale.


Pourtant, dans son dernier rapport de 2020, l’Agence internationale de l’Energie (AIE) indique que “des efforts sont nécessaires pour améliorer l’efficacité de l’utilisation de l’énergie et capitaliser sur le potentiel d’énergies renouvelables du pays”. Les problèmes de développement dans ces domaines sont nombreux en Géorgie, freinant son indépendance énergétique.


Pourtant, le « mix » géorgien est particulièrement diversifié par rapport à d’autres pays de la région. En 2019, les différentes sources d’énergies primaires consommées dans le pays étaient le gaz naturel, suivi par le pétrole. Les énergies renouvelables arrivaient en troisième position, ce qui permettait à ce pays du Caucase d’être un des principaux producteur d’énergie renouvelable de la région. Une avancée dans la réforme énergétique lancée par le gouvernement, mais qui soulève tout de même les doute des institutions internationales, comme l’AIE qui craint que ces objectifs ont “peu de chance d’être atteint”.


“Nous sommes dépendants, c’est dangereux”


Face à une demande croissante et des capacités de production trop faibles, la Géorgie a dû se tourner vers des partenaires pour importer certaines sources d’énergie. Le gouvernement se dit prêt à intégrer l’Union européenne, et donc à adopter ses critères en matière d’énergie. Cependant le pays se fournit auprès de la Russie pour ses importations de gaz et de pétrole (qui lui arrive directement sous forme raffinée). Un pari risqué pour Vakhtang Kochoradze : “nous sommes dépendants de la Russie sur le plan énergétique, c’est dangereux”, souligne ce chef de projets pour l’ONG CENN.


Installée à Tbilissi, l’organisation promeut des actions environnementales et écologiques à toutes les échelles, de la communauté rurale à l’international, en passant par le gouvernement et les acteurs privés. “La consommation d’énergie ne va faire qu’augmenter, poursuit Vakhtang Kochoradze, elle ne sera pas réduite de si tôt, les coûts aussi vont augmenter”.


Vakhtang Kochoradze est le chef de projet de l’ONG CENN qui travaille sur la transition énergétique et son développement en Géorgie.

Photo : Danaé PIAZZA



La question de l’indépendance énergétique est d’autant plus forte que la Géorgie consomme énormément de bois de chauffage, déboisant chaque année des milliers d’hectares de forêts. Les Géorgiens sont encore nombreux à utiliser ce combustible, notamment dans les zones rurales. Une consommation beaucoup plus élevée que ce que les forêts sont capables de fournir : selon l’Agence nationale des forêts, actuellement, la fourniture en bois de chauffage (600.000 mètres cubes par an) est près de 25 fois inférieure à la demande (2,4 millions de mètre cubes par an).


Ce manque accélère la déforestation illégale en Géorgie et empêche le couvert forestier de se régénérer naturellement : “il faudrait que nous coupions 300.000 mètres cubes”, ajoute Vakhtang Kochoradze.


Une mise en action difficile


Le chef de projet soutient que la Géorgie a besoin de diversifier encore plus son bouquet énergétique, et proposer des “sources d’énergies alternatives plus présentes”, comme “l’énergie solaire, l’éolien, ou l’énergie hydroélectrique” pour gagner en indépendance.


Dans les foyers géorgiens, il est encore courant d’utiliser le bois de chauffage pour cuisiner et se chauffer.

Photo : CENN



Toutefois, la mise en œuvre des projets pour de nouveaux systèmes énergétiques est difficile. Les programmes d’accès au gaz ne fonctionnent pas, la population préférant le bois de chauffage. Et dans le cas des centrales hydrauliques, celles en fonction ne sont plus capables de répondre à la demande.


L’ONG et le gouvernement tentent de financer de nouvelles centrales, mais les communautés locales contestent systématiquement l’idée, mettant parfois fin au projet. Vakhtang Kochoradze analyse cela comme une “problématique culturelle et sociale”. Les Géorgiens et organisations qui s’opposent à ce genre de projet craignent la dégradation de leur environnement : ces projets sont ralentis, voire abandonnés.


Selon lui, ce manque d’investissement dans les infrastructures vertes participe à la croissance de la dépendance énergétique de la Géorgie. Le chef de projet assure néanmoins que le gouvernement est impliqué dans la transition énergétique. “À terme, c’est dans leur propre intérêt”, explique-t-il.


Réduire la dépendance énergétique, c’est aussi prévenir des phénomènes sociaux et économiques. “Les régions rurales vont se vider de leur population ; celles-ci vont rejoindre les villes. La notion de pauvreté énergétique va devenir de plus en plus réelle en Géorgie”, met en garde Vakhtang Kochoradze.


Images: CENN

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