L’heure du déconfinement a sonné pour de nombreux pays. En France, après 56 jours enfermés, les français retrouvent l’air frais et le soleil. Certaines régions d’Outre-Mer comme la Nouvelle-Calédonie ou Tahiti ont commencé la phase de déconfinement légèrement plus tôt. Mais cela n’a pas empêché la récession et la crise économique qui menacent la France et par ricochet les Outre-Mer. Coup d’œil sur une situation tendue.
On définit par la dénomination DROM-COM les territoires ultramarins qui dépendent de la France métropolitaine. Dispersés dans tous les océans, ils représentent les vestiges de l’empire colonial qu’était la France entre les XVIème et XXème siècles. Les Outre-mer concentraient en 2019 une population de 2,8 millions d’habitants, soit 4% de la population française. Toutefois, si les DROM-COM n’abritent qu’une part marginale des Français, ils constituent, par leurs 120 369 kilomètres carrés, 18% du territoire terrestre national. Et ceci n’est aucunement négligeable puisque ce sont précisément ces provinces, constituant 97% du territoire maritime, qui permettent à la France de pouvoir se vanter de détenir la deuxième Zone Economique Exclusive (ZEE) mondiale avec 11 millions de kilomètres carrés, juste derrière les Etats-Unis. Pour exemple, la ZEE polynésienne représente à elle seule douze fois la ZEE métropolitaine.
Vous pouvez jeter à la poubelle le terme DOM-TOM, oublié par les textes législatifs depuis 2004. La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a permis la création de nouvelles entités juridiques pour les territoires ultramarins. Les DROM désignent ainsi les Départements et Régions d’Outre-Mer, à savoir la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, Mayotte et la Réunion. Les COM désignent quant à eux les Collectivités d’Outre-Mer sous souveraineté française dont le statut est fixé par une règle organique et bénéficiant d’une autonomie plus ou moins grande, comme en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon. Le statut de la Nouvelle-Calédonie se différencie encore puisque l’île est un territoire à souveraineté partagée.
Une économie fragile
Avec une économie qui repose majoritairement sur le tourisme, ces territoires restent en grande partie dépendants de la métropole. Les territoires ultramarins sont pour la plupart des iles (à l’exception de la Guyane, seule région ultramarine continentale) au climat tropical (sans compter Saint-Pierre-et-Miquelon ainsi que les Terres australes et antarctiques). Leurs atouts paysagers et climatiques sont un véritable avantage dans un contexte mondialisé où les touristes recherchent des stations balnéaires en mers chaudes pour la période estivale, magnifique illustration du retournement des représentations des littoraux. Le secteur touristique constitue en moyenne 10% du PIB des territoires d’Outre-Mer ; la Nouvelle-Calédonie, où celui-ci représente 4%, fait exception compensant par l’exploitation de son minerai. Les touristes proviennent généralement de la métropole et des Etats-Unis. L’aéroport de Tahiti accueille en moyenne 210 000 touristes par an ; on compte le double à la Réunion. Dans les Caraïbes, ce sont 1 200 000 voyageurs qui atterrissent chaque année à la Guadeloupe et à la Martinique. Le tourisme est aussi en plein développement sous l’influence de la croisière, en constante augmentation. Les territoires d’Outre-Mer ne bénéficient de fait que du tourisme, des services (la construction et le bâtiment principalement) et de l’agriculture pour pouvoir créer une économie : territoires insulaires, excepté la Guyane, leur configuration empêche de pouvoir installer une véritable industrie pour produire de la marchandise à exporter et subvenir à leurs besoins. L’agriculture de plantation (banane, canne à sucre, plante à parfum, etc.) qui constituait un pilier économique de poids autrefois est aujourd’hui concurrencée par les Etats voisins qui proposent une main d’œuvre moins chère et attirent les entreprises. En Martinique, l’agriculture ne représente plus que 2,3% du PIB. Les subventions de l’Union Européenne sont d’une grande aide pour le domaine agricole. La dépendance à la métropole est renforcée par les aides et les prestations sociales pour tenter de compenser les décalages et inégalités : 50% à 60% des échanges extérieurs des DROM se font avec la métropole.
L’impact du Covid sur l’économie ultramarine
Pour tenter de faire face à la crise économique qui risque de déferler sur les DROM-COM, les autorités locales essaient de mettre en place des plans d’aide. La Conseil Régional de la Guadeloupe a dévoilé le mois dernier un plan d’urgence économique fondé sur cinq mesures pour soutenir les entreprises locales. La collectivité régionale compte ainsi « passer le cap difficile dû au ralentissement brutal de l’activité suite aux mesures de confinement ». La Région Guadeloupe espère participer à hauteur d’un million d’euros au fond national de solidarité et à hauteur de 10 millions d’euros pour un fond de garanti de prêts bancaires. Les conditions pour les attributions de prêts pour les TPE et les PME ont été assouplies avec des taux zéro et un différé de deux ans. Pour les agriculteurs et les pêcheurs, des mesures spécifiques ont été mises en place, en attendant une aide des fonds européens.
Ne pouvant bénéficier du régime de chômage partiel mis en place au début du confinement en métropole du fait de son autonomie, et étant dépourvu de régime de chômage local et de RSA, le gouvernement polynésien a également pris des mesures. Le « plan de sauvegarde pour l’économie » contient un revenu de solidarité de 100 000 francs pacifiques (soit 838 euros) par personne et par mois. Pour un confinement de deux mois, cette mesure est évaluée à 134 millions d’euros, justifiant le vote par l’assemblée des 250 millions d’euros attribués au plan. Du 20 au 31 mars, 7 millions d’euros ont permis d’indemniser les polynésiens et certaines entreprises locales. La collectivité est parvenue à mettre en place avec l’Etat un plan d’aide pour les PME et les liaisons aériennes. En plus des aides aux entreprises, les aides solidaires alimentaires, matérielles ou concernant le logement ont été augmentées : celles-ci représentent aujourd’hui 1,7 millions d’euros, soit 4 fois les montants allouées l’année dernière.
L’agence touristique Atout France a estimé que le Covid-19 pourrait coûter 2,3 à 3,4 milliards d’euros aux DROM, ce qui représente 12 000 à 18 000 emplois. Ce chiffre est soumis à des variations suivant le taux de dépendance au marché intérieur et extérieur : ainsi en Polynésie, le marché intérieur (c’est-à-dire avec la métropole) représente 25% de la fréquentation touristique, contre 70% en Martinique. Les aéroports ultramarins sont forcément touchés, et le constat est sans appel : pour le mois d’avril 2020, le nombre de passagers à l’aéroport Roland Garros de la Réunion a chuté de 98%, contre 60% pour le trafic de fret. Les chiffres ne sont pas beaucoup mieux du côté de la Guadeloupe : avec 6 000 passagers, l’aéroport Pole Caraïbes comptabilise une perte de 97% de ses voyageurs, et de 65% pour le trafic de fret. Selon les autorités, le secteur touristique pourrait revenir à la normale à l’horizon 2023 ; les plus optimistes l’envisagent dans deux ans.
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